Préserver l’autonomie des patients : le rôle des médecins dans l’adoption des directives anticipées en oncologie
Contexte scientifique
Etude juridique, sociologique et psychologique de l’application en oncologie de la partie de la loi Claeys-Léonetti (2016) concernant la possibilité pour les Français de rédiger leurs directives anticipées (DA). Ce versant de la loi vise à promouvoir l’autonomie des patients en les plaçant au cœur du processus décisionnel, qu’ils soient ou non en capacité d’exprimer leurs volontés. Les DA sont utilisées par les médecins dans tous les cas où une personne serait dans l’incapacité de donner oralement son avis sur une décision de prise en charge, qu’elle soit thérapeutique ou de maintien en vie. Elles s’imposent au médecin.
Même si la société française est très demandeuse de la promotion de l’autonomie des patients, nous constatons qu’un très faible pourcentage de patients soignés en oncologie ont ou vont rédiger leurs DA et ceci indépendamment de leur âge ou statut social. Ceci est préjudiciable au respect de leur autonomie car, en oncologie, il est possible qu’une situation non anticipée nécessite une décision de prise en charge alors que le patient est inconscient (évènements post-opératoires suite à une chirurgie carcinologique lourde ; atteintes neurologiques ou cardiaques …). En situation d’inconscience, le patient ne peut faire valoir ses choix de vie et d’acceptation ou de refus de thérapeutiques que s’il a au préalable rédigé ses DA et que ces dernières sont suffisamment claires pour être suivies. C’est aux médecins qu’il incombe de parler de fin de vie et d’aider les patients à rédiger leurs DA (temps pendant la consultation, conseils avisés …).
Une enquête préliminaire réalisée en 2020-21 a montré que plus de 80% des soignants reconnaissent ne jamais aborder la question des DA avec leurs patients. Ils rapportent avoir toujours du mal à évoquer avec eux un éventuel échec des thérapeutiques et la fin de vie.
Objectifs du projet et brève description des méthodes employées pour les atteindre
Ce projet vise à identifier quels sont les besoins de formation des soignants afin qu’ils se mobilisent pour la promotion de la rédaction des DA. Nous avons identifié i) un besoin de clarification du texte de loi (but, contenu et obligations légales) ; ii) un besoin de définition des informations devant figurer dans les DA afin d’être utilisables par les médecins (oncologues, chirurgiens et anesthésistes-réanimateurs) en cas de décision urgente pour des patients inconscients. Iii) la nécessité de proposer aux soignants les clés de la littératie adéquate afin d’évoquer les potentiels écueils de parcours de soins et la « fin de vie ».
La formation doit également préparer les soignants à de potentielles évolutions de la loi vers une fin de vie toujours plus contrôlée.
Le projet vise à définir cette formation :
- Réalisation d’une étude du cadre juridique actuel pour en décrypter l’esprit, ses objectifs et ses limites et analyse des lois sur les DA dans 4 autres pays européens ayant ou pas légalisé le suicide assisté ou l’euthanasie et évaluation des perceptions des soignants sur leur application.
- Réalisation d’une enquête (analyse épidémiologique et sociologique) auprès des oncologues et des médecins anesthésistes-réanimateurs visant à identifier i) les intérêts pour les médecins et leurs pratiques de bénéficier de DA lors de prise de décision difficile et ii) le type d’informations devant absolument figurer dans les DA afin de pouvoir tenir compte des désirs des patients.
- Réalisation d’une enquête par entretiens semi-dirigés (psychologie et sociologie) auprès de patients ayant déjà rédigé leurs DA à l’IUCT-Oncopole visant à identifier ce qui les a incités à faire cette rédaction (moments de la prise en charge et attitudes des soignants).
- Réalisation d’une recherche en psychologie de la santé pour identifier les attentes des patients vis-à-vis des DA.
Résultats attendus
L’objectif global du projet est praxéologique et vise à la mise en place de formations pour les médecins dans le champ de la cancérologie afin qu’ils deviennent des acteurs de la promotion des DA. Il doit déterminer les éléments devant être incorporés dans la formation. La suite du projet sera la mise en place de la formation, puis son évaluation : avec comme objectif principal l’augmentation du pourcentage de patients rédigeant leurs DA et une meilleure prise en compte de ces dernières dans les décisions médicales, gain de sérénité pour tous. Il vise à l’amélioration de la qualité des discussions entre patients et soignants afin d’anticiper les situations où le patient passerait d’un projet curatif à palliatif et une meilleure prise en compte des souhaits des patients pour leur fin de vie. Sur ce dernier aspect, le but est de tendre vers un gain de confiance et de proximité de la relation médecin-patient.
Sous la direction de Bettina COUDERC et Florence TABOULET.
Lien vers theses.fr : https://theses.fr/s362010
- Accompagnement des patients
- Anticipation / Directives anticipées
- Autonomie des personnes en fin de vie
- Désir de mort / Euthanasie / Suicide assisté
- Droit et Législation
- Ethique / Bioéthique
- Fin de vie à domicile
- Fin de vie en établissement hospitalier / établissement médico-social
- Vécus et perceptions
- Fin de vie
- Autonomie
- Directives anticipées
- Loi Claeys-Leonetti
- INCA - Institut national du cancer
- Subventions doctorales Recherches sur le cancer en Sciences Humaines et Sociales Epidémiologie Santé publique
- IUCT-O et CERPOP, INSERM UMR 1295, Université Toulouse III Paul Sabatier
- Bettina COUDERC
- Florence TABOULET