Retour d’expérience sur une année recherche
Loic Bauschert, actuellement interne en hématologie, se destine à une carrière en soins palliatifs. En 2022-2023, il a bénéficié d’un financement pour suivre une formation à la recherche dans le cadre du plan national développement des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie. Entretien.
- Qu’est-ce que le dispositif « année recherche » et pourquoi avoir souhaité en bénéficier ?
Ce financement délivré par les universités permet aux étudiants de cesser d’exercer pendant un an pour suivre une formation à la recherche tout en percevant un salaire1. La plupart du temps, il s’agit d’une deuxième année de master, mais cela peut aussi concerner une année de thèse. Pour moi, cette période de césure consacrée à la recherche était une évidence car, depuis le début de mon internat, je me destine à une carrière universitaire.
- Est-ce une nécessité pour les médecins qui veulent s’orienter vers la recherche ?
En hématologie, la participation à des protocoles de recherche clinique fait partie intégrante de la pratique. Mais pour faire de la recherche fondamentale ou pour travailler sur des questions qui relèvent des sciences humaines et sociales, il est indispensable de passer par un master ou par une thèse de sciences.
- Comment candidater ?
Il faut avant tout être accepté dans une formation. J’avais pour ma part été retenu pour le master Fins de vie et médecine palliative de l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne, mais celui-ci n’a finalement pas ouvert à la rentrée 2022, c’est pourquoi j’ai finalement suivi le master Éthique médicale de l’Université Paris Cité. Le dossier de candidature est examiné par l’université qui attribue les financements. Il faut fournir un projet de recherche rédigé et référencé, ainsi qu’une lettre de recommandation. La préparation de ce dossier demande un peu de temps et d’investissement.
- Quel était votre sujet de recherche, et pourquoi l’avoir choisi ?
Ma formation de médecin associe l'hématologie et les soins palliatifs. Ce double regard m'a amené à me questionner sur l'expérience vécue par les patients atteints d'hémopathies malignes et par leurs soignants dans le cadre de l'accompagnement de fin de vie. Comme la trajectoire de ces maladies se déroule sur un temps long, j’ai eu envie d’interroger les représentations professionnelles du vocable « maladie chronique » chez les hématologues, ainsi que la manière dont ils mobilisent ce vocabulaire de la chronicité lors de leurs consultations.
- Concrètement, comment s’est déroulée cette année consacrée à la recherche ?
Le master comporte de nombreuses unités d’enseignement théorique que j’ai suivies. Le reste du temps, je menais mes travaux de recherche en étant affilié au laboratoire Ethics de l’Université Catholique de Lille. Les premiers mois ont été consacrés à la réflexion théorique et à la problématisation. Ensuite, avec l’aide des deux personnes qui ont encadré mon travail, j’ai élaboré la méthodologie et le protocole de recherche. J’ai choisi une méthodologie qualitative, avec de l’observation participante et des entretiens semi-dirigés, que j’ai menés sur le terrain entre les mois de février et d’avril. Je me suis ensuite consacré à l’exploitation des données. Enfin, j’ai soutenu mon mémoire en juin.
- Qu’est-ce que cette formation à la recherche vous a apporté ?
Le versant théorique de la formation m’a permis de prendre du recul et de développer une vision très réflexive sur ma pratique. J’ai eu le temps de me poser des questions que je n’aurais pas envisagées dans un autre contexte. J’ai également pu m’immerger dans le monde de la recherche tout en étant épaulé par des personnes compétentes. En effet, la méthodologie qualitative que j’ai souhaité utiliser est très peu commune en médecine, et c’était très utile d’avoir affaire à des personnes référentes qui la maîtrisaient bien.
- Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Je viens du monde de l’hématologie, où l’on fait beaucoup de biologie, de façon très guidée. J’ai été un peu désarçonné en découvrant que dans la recherche en sciences humaines, il y a tout un volet de la problématisation qui s’effectue de manière très personnelle. Il m’est arrivé de me sentir un peu perdu en me demandant comment j’allais avancer sur un sujet dont je n’étais pas du tout expert, mais j’ai pu faire appel à mes encadrants.
- Envisagez-vous de poursuivre avec une thèse de sciences ?
C’est une perspective motivante, mais qui demande un investissement personnel très important. Je n’ai pas encore pris de décision. Je sais que l’opportunité m’est ouverte au sein des équipes avec lesquelles j’ai travaillé, mais cela va dépendre de mon futur poste (un temps plein en soins palliatifs) et de la manière dont les choses vont se dérouler dans un avenir proche.
Publié le 6 mai 2024
- Ce salaire correspond à celui d’un interne de deuxième année