Focus sur un projet européen

Le projet Integrated short-term palliative rehabilitation to improve quality of life and equitable care access in incurable cancer (INSPIRE) est l’unique projet de recherche européen en soins palliatifs qui soit coordonné par une équipe française.

Visuel du projet Inspire

L’objectif de ce projet financé par le programme Horizon Europe1 est de tester, dans sept pays différents (Angleterre, Ecosse, France, Italie, Danemark, Norvège, République Tchèque), une intervention de rééducation palliative pour les patients atteints de cancer avancé. Cette approche est particulière car elle repose sur des objectifs définis, non pas par les médecins, mais par le patient lui-même. « C’est la personne qui indique ce qui va améliorer sa qualité de vie et ce sur quoi on va orienter la prise en charge. L’objectif peut être par exemple de parvenir à aller chercher son journal, ou de recevoir sa famille. Ce qui compte c’est ce qui est important pour elle », explique Guillaume Economos, médecin au Service de soins palliatifs des Hospices Civils de Lyon et coordinateur du projet INSPIRE.

Cette intervention s’organise sur une période de 8 semaines. La première séance consiste à faire le bilan des capacités et incapacités de la personne, mais aussi de ses souhaits. Pendant les séances suivantes, on met en place un plan d’action pour qu’elle puisse atteindre cet objectif toute seule, puis on fait le point. « L’idée est d’autonomiser au maximum le patient dans son lieu de vie, qu’il soit chez lui ou à l’hôpital. Si, par exemple, il souffre d’un épanchement pleural et souhaite pouvoir continuer à se rendre à la maison de la Presse, on voit avec lui comment aller jusque-là, sur quel banc s’arrêter pour faire des exercices de respiration, etc. », explique Julia Romeyer, ergothérapeute et doctorante.

Ce type de rééducation ne fait pas partie des options thérapeutiques classiquement préconisées pour les patients atteints de cancer avancé. C’est recommandé en Norvège et pratiqué en Angleterre et en Ecosse dans certains établissements, mais au Danemark, en France, en Italie et en République Tchèque, cela n’existe pas du tout. D’où l’intérêt de tester cette approche et de montrer ses bénéfices afin de pouvoir plaider ensuite auprès des pouvoirs publics pour l’intégrer dans les parcours de soins.

Le projet INSPIRE s’interroge non seulement sur l’efficacité de la réhabilitation palliative mais aussi sur la possibilité de la mettre en place dans différents pays. En effet, de l’un à l’autre, la culture, l’acceptabilité, les conditions d’application diffèrent. L’équipe des Hospices Civils de Lyon a élaboré un outil d’évaluation avec deux questionnaires, l’un pour les patients (avant et après l’intervention) et l’autre pour les professionnels de santé (infirmiers, aides-soignants, cadres, rééducateurs, chefs de service, médecins…). Ce dernier inclut des questions sur la faisabilité : coût, effectifs de l’équipe, durabilité dans le temps… Tous les partenaires du projet vont tester le protocole de réhabilitation palliative et faire passer ces questionnaires. L’ensemble des résultats seront ensuite analysés par l’équipe Lyonnaise.  

L’équipe des Hospices Civils de Lyon assure également la coordination du projet INSPIRE1. Faire travailler ensemble les sept partenaires du projet représente non seulement une énorme charge administrative, mais aussi un effort de compréhension culturelle. « La première difficulté est d’ordre linguistique : chacun doit communiquer dans une langue qui n’est pas la sienne, alors que nous devons tous avoir accès à la même information », remarque Guillaume Économos. « Pour ne donner qu’un petit exemple, le degré de formalisme des e-mails diffère d’un pays à l’autre. En réalité, tout le monde n’a pas la même façon de faire de la recherche ». Il est nécessaire de comprendre le fonctionnement de chaque pays en termes de parcours de soins et de trajets des financements. La publication pose également question, dans la mesure où la position des auteurs dans la liste des signataires n’est pas valorisée de la même manière selon les pays.

Chaque partenaire a des responsabilités différentes et prend en charge une partie du projet : on parle de « lots de travail » ou work packages. Or, la Commission Européenne exige des livrables réguliers pour contrôler le bon fonctionnement de l’ensemble. L’équipe des Hospices Civils de Lyon fait appel à une société d’ingénierie de projet3 spécialisée pour gérer les rappels des délais aux différents partenaires et tout le travail administratif. « Je recommande vivement de faire appel à ce type de prestataire extérieur, précise Guillaume Economos, car les DRCI4 des hôpitaux n’ont généralement pas suffisamment de ressources pour assumer ces missions. »  Enfin, la participation à un projet européen suppose l’organisation de très nombreuses réunions, en présentiel ou à distance : toutes les deux semaines pour l’équipe de coordination, une fois par mois pour chaque work package, trimestrielle pour l’avancée et la coordination scientifique, sans compter les meetings des comités extérieurs qui donnent un avis méthodologique et éthique, ni ceux avec la commission européenne.

Autant de particularités à prendre en compte avant de s’engager dans un projet européen. D’ailleurs, la construction du projet et le dépôt de candidature en eux-mêmes représentent environ six mois de travail. « Il ne faut pas postuler à la légère, il y a beaucoup d’éléments présentés comme facultatifs dans le dossier qui sont en fait obligatoires, comme l’égalité raciale, des sexes et des genres pour l’accès à l’intervention ou encore l’auto-évaluation éthique », précise Guillaume Economos.

  1. Cela représente 2 725 301 € pour la période 2022-2026. Dans ce budget, 578 252, 5 € sont alloués aux hospices civils de Lyon
  2. Le consortium initialement bâti autour du King’s College de Londres est finalement, en raison du Brexit, piloté par les Hospices Civils de Lyon.
  3. Il existe assez peu de sociétés de ce type en France mais cela se pratique à l’étranger.
  4. Direction de la recherche clinique et de l’innovation

Contacts :
Julia ROMEYER ou Guillaume ECONOMOS
julia.romeyer@chu-lyon.fr, guillaume.economos@chu-lyon.fr
Service de soins palliatifs, Hôpital Lyon Sud
165, chemin du grand Revoyet
69495 Pierre-Bénite

Pour en savoir plus :
https://www.plateforme-recherche-findevie.fr/projets/integrated-short-t…
https://www.plateforme-recherche-findevie.fr/projets-europeens/inspire
https://palliativeprojects.eu/inspire/

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